Sylvain et moi nous connaissons depuis bientôt 20 ans et j’ai la chance de le compter parmi mes très bons amis.
C’est aussi en sa compagnie que j’ai découvert la Thaïlande, il y a déjà 15 ans, une autre époque mais déjà, cette même soif de découverte et d’ailleurs nous animait.
La seule différence entre nous est que Sylvain ne repartit jamais de Thaïlande, laquelle est devenue son « chez lui » et son environnement de vie permanent.
J’avais donc envie qu’il puisse partager avec vous son point de vue et ses conseils si vous avez, vous aussi, l’intention de vivre ou simplement de voyager dans ce pays au charme sans pareil.
1/ Bonjour Sylvain, peux-tu te présenter ?
Je suis originaire du Nord de la France où la majeure partie de ma famille proche réside toujours.
J’ai 40 ans et je suis arrivé en Thaïlande en décembre 2002.
Au fil du temps et des rencontres d’ordre professionnel, j’occupe désormais, et depuis plus de 4 ans, le poste de « Managing Director » à Bangkok au sein du groupe PHB (groupe de confection de prêt à porter haut de gamme).
2/ Pourquoi as-tu choisi la Thaïlande comme pays de résidence ?
Les grandes initiatives partent bien souvent d’un simple déclic. Nous étions trois potes, et Romain venait de lire le livre d’Alex Garland « The beach », adapté en 2000 dans le film de Danny Boyle avec Di Caprio.
La fièvre de l’aventure bien résumée dans les pages de cet excellent roman (bien meilleur que le film) s’est transmise à nous au fil de nos conversations et dans notre décision de vivre un voyage au bout du monde.
En août 2000, nous faisions alors notre « First Trip » à travers la Thaïlande qui allait durer un mois en mode Routard.
Une claque! Sans le savoir encore, ce voyage allait changer ma vie.
Il faut dire qu’il y a 16 ans la Thaïlande possédait encore ce côté exotique et lointain. C’était aussi pour nous trois la période idéale car nous sortions tous des études et, pour moi, du service militaire. Aucun d’entre nous n’avait encore de responsabilités professionnelles fixes ni même familiales. C’était le moment parfait et nous le savions.
Pour des raisons diverses, c’est le seul voyage que nous avons pu effectuer à trois et tous les autres que j’ai pu faire après celui-ci n’ont jamais eu la même saveur que cette première découverte.
3/ Et qu’est ce qui t’a décidé à rester en Thaïlande ?
De retour en France et décidé à repartir « pour de bon », je m’étais fixé un délai clair : six mois avec un billet d’avion open pour savoir si une vie prolongée sur place pouvait déboucher sur une installation durable.
J’ai appris rapidement le thaïlandais dans une école spécialisée pendant cette période (info en bas de page), et puis, une fois sur place, on se rend compte de perspectives de développement professionnel inattendues, alors qu’en France mon statut d’intermittent du spectacle me limitait énormément.
Je suis donc resté et ma vie sentimentale puis ma famille s’est rapidement construite autour. Dans ces conditions, les bases se solidifient et les attaches deviennent plus profondes avec le pays.
4/ Culturellement, la Thaïlande et la France sont très éloignées. Quelles sont les différences les plus marquantes avec l’hexagone qui t’ont le plus attiré ?
En effet. Même si la Thaïlande n’est qu’à une dizaine d’heures d’avion de la France, le fossé culturel est tout bonnement énorme, bien qu’il faille encore dissocier Bangkok, mégalopole de 15 millions d’habitants et la province avec une identité thaï encore bien plus forte.
La tolérance, le respect, l’absence d’obligations, les possibilités de vie professionnelle sont peut-être les points positifs majeurs que je peux énoncer.
Ils renforcent tous cette notion de liberté qui peut paraître absente en France, laquelle impose des impératifs plus rigoureux et un cadre de vie strict.
5/ À contrario, qu’est ce que tu n’as pas aimé au fil des années, sur quoi as-tu déchanté ?
On ne peut pas dire que j’ai déchanté, car vivre dans un pays étranger impose aussi d’absorber les contraintes et les perceptions de vie différentes. Ne pas accepter la culture encourt le risque de se renfermer et se rendre hermétique aux valeurs d’un pays. La vision de sa propre vie se trouvera altérée par des artifices que l’on va se créer.
Je dirais simplement que cette notion de liberté apparente comparée à la France implique obligatoirement une part de risques personnels plus importants. Par exemple, moins de taxes et moins d’impôts à payer c’est certes appréciable mais c’est aussi beaucoup de moins de couvertures (santé, retraite, capitalisation).
Les thaïlandais vivent au jour le jour. Les mots comme « anticiper » et « prévoir » n’existent pas.
On peut se poser la question sur son propre avenir tous les jours. Si les bases ne sont pas solides (famille, amis), de mauvaises rencontres se font très rapidement et la vie peut tourner en véritable enfer.
Il ne faut pas oublier que derrière le côté idyllique de ce pays et les paysages merveilleux, la Thaïlande est l’un des pays les plus dangereux au monde pour les touristes et les expatriés, dont une bonne partie concerne les suicides, aussi étonnant que celui puisse paraître. Cette impression de liberté sans limites déforme chez certains leur propre perception de la réalité et peut ouvrir la porte à tous les excès, rendant les dangers moins perceptibles.
6/ Tu vis à Bangkok, est-ce facile de trouver un logement et pour quelle gamme de prix ? Quels conseils pourrais-tu apporter à quelqu’un qui voudrait s’installer en ville ?
Trouver un logement à Bangkok est très facile, « facile » étant un mot qui fait partie intégrante du système thaïlandais, comparé à ce que nous connaissons en France et au parcours du combattant dans la recherche d’un logement (notamment sur Paris).
On peut trouver un logement en deux heures, dans n’importe quelle gamme de prix (de 100€ par mois jusque plus de 2,000€). Souvent une caution de trois mois est demandée, et on peut emménager le jour même de la prospection dans un petit studio pré-meublé.
Le quartier que l’on sélectionnera dépendra surtout de ses ambitions : rester en centre ville ou légèrement s’éloigner pour ne pas tomber dans la fièvre citadine ? Pour ma part j’ai choisi un quartier au nord de Bangkok, loin des buildings du centre et avec un joli parc à côté.
7 / Comment se porte le marché du travail sur place ?
Le taux de chômage pour les thaïlandais est de moins d’1%. Il est très facile pour un natif de trouver un emploi, ou de se le créer soi-même. Les contraintes sanitaires sont beaucoup moins fortes qu’en France et n’importe qui peut acheter une « gargote » ambulante pour vendre des khao pat (riz sauté à la thaï) ou des fruits locaux ou encore des brochettes. Pour les autres qui souhaitent travailler de manière plus encadrée le minimum est de 300thb/jour, mais on peut aussi trouver des postes de responsables d’usines jusqu’à 350,000thb/mois.
En tant qu’étranger le marché est malheureusement beaucoup plus fermé. Il faudra passer du temps et se créer son propre réseau (sain) avant de pouvoir espérer avoir un emploi ‘honnête’. J’entends par là un poste avec un permis de travail et un salaire fixe, et pas un miroir de primes ou commissions sans permis de travail alloué.
Je suis arrivé il y a plus de 13 ans avec mon sac à dos 30 litres Decathlon. Je ne parlais ni thaïlandais, ni anglais et je n’avais aucune expérience dans le textile. Comme quoi tout est possible avec la persévérance, et une bonne étoile…
On dit toujours que c’était mieux et plus facile par le passé. C’est aussi ce que je lisais avant mon arrivée. Ne vous fiez pas aux préjugés. Tout est possible pour quelqu’un qui garde sa motivation.
8/ As-tu rencontré des problèmes dans tes relations avec les Thaïs en général ?
Est-ce facile de s’insérer et quels sont les problèmes d’adaptation qu’on peut rencontrer ?
Les problèmes relationnels avec les Thaïs sont forcément liés a une méthode de pensée et de culture différente. Un exemple que j’aime donner et qui résume bien cette situation est qu’ici on épluche une pomme la lame vers l’extérieur, on la mange par le haut vers le bas, on fait les divisions sur papier d’une manière différente de celle qu’on nous enseigne en France. Tout peut sembler inversé et pourtant le résultat est le même.
Je pense qu’apprendre la langue d’un pays étranger permet d’arriver à un degré de compréhension qui doit faciliter son insertion. C’est indispensable sur le long terme. Il ne faut pas lutter contre le courant, mais savoir utiliser sa force à son avantage.
9/ Y-a-t-il des pièges précis à éviter lorsqu’on décide de s’établir en Thaïlande ?
Le conseil que je donnerais avant tout est de ne pas se poser trop de questions et de ne pas craindre de se lancer.
Mais je dirais qu’il ne faut pas confondre bien préparer son arrivée et scénariser son séjour. La vie est souvent plus facile qu’on peut le penser.
10/ Comment est le coût de la vie en Thaïlande ? Est-ce toujours aussi avantageux qu’on peut l’imaginer avant de s’y installer ?
Oui, mais ne pas oublier que vivre en France nous fait oublier les bienfaits de « la mère patrie », chose à laquelle on ne pense pas dans un premier temps à notre arrivée en Thaïlande.
Donc gardez bien en tête, si votre projet est de vous installer, qu’en Thaïlande :
- Pas de retraite
- Pas d’assurance santé
- Pas de prévoyance
- Le Thaï sera toujours roi et prioritaire sur le « farang » (expression utilisée par les Thaïlandais pour désigner un occidental)
Je conseille fortement de prévoir une bonne sécurité sociale pour soi-même et sa famille car les coûts en cas de problèmes peuvent être très élevés et certains hôpitaux n’opéreront tout simplement pas si la garantie de paiement n’est pas confirmée, et cela même s’il y a urgence vitale !
11/ Pour un court séjour, quelle est la meilleure période pour visiter la Thaïlande ?
Décembre à février pendant la saison où les températures sont les plus agréables.
Je déconseillerais fin mars à fin mai où il peut faire vraiment très chaud, notamment si vous venez avec des enfants.
12/ Quels sont les immanquables à voir absolument à Bangkok lors d’un séjour touristique ?
Je ne suis pas le bon interlocuteur pour vous répondre pour être très honnête car disons qu’avec ma vie actuelle assez intense professionnellement, et avec les enfants, les sorties sont plutôt orientées famille, même si Bangkok reste une place très forte pour les activités nocturnes.
Donc dans le cadre de loisir de type familial, Dreamworld est pour moi un bon parc d’attractions au nord de Bangkok que j’apprécie car ici le temps importe peu et on est quasi certain de réussir sa journée. Les attractions sont équilibrées en terme de sensations et il y a juste ce qu’il faut de monde, ce n’est jamais bondé.
Ne pas oublier également que la mer est à seulement 2h de Bangkok en voiture (province de Chonburi) et qu’une multitude d’activités sont disponibles. En avril 2016 par exemple, un immense parc aquatique va ouvrir (Ramayana Water park), et ça en famille, ça peut être exceptionnel !
13/ Pour finir, as-tu en tête quelques attrape-touristes qu’un voyageur se doit d’éviter ?
Ses vacances ou son séjour sont ce qu’il veut en faire. La Thaïlande est sans doute le meilleur pays d’Asie du sud Est pour son hospitalité, les services proposés et sa gamme d’activités à prix très raisonnables. Comme je le disais plus haut, tout est accessible. Il faut savoir poser ses propres limites et garder en tête que nous serons toujours dans un pays étranger, expatrié ou simple touriste.
Quoi qu’il arrive, je conseille de modérer ses réactions. On peut ne pas être d’accord, mais il ne faut pas passer dans l’agressivité, c’est très mal perçu en Thaïlande et par les thaïlandais qui risquent alors de perdre leur sourire légendaire.
Merci à toi , Sylvain !
Un reportage que l’on déguste vraiment…expatrié en Issan depuis bientôt 10 ans, je ne lisais plus jamais, et depuis longtemps, ce genre de reportage trop souvent basés sur les clichés les plus sordides concernant mon pays d’accueil.
Le récit de Sylvain est passionnant, tout y est juste, toutes ces infos seront précieuses pour ceux qui peut-être feront le « grand saut ».
Bien que d’une autre génération et dans des conditions bien différentes, j’ai construit ma nouvelle vie ici sur les bases que Sylvain énonce dans ce reportage…10 ans après ce n’est que du bonheur.
Merci pour ton retour Alain, je suis certain que Sylvain appréciera ton commentaire à sa juste valeur, d’autant que s’il ne le précise pas dans cette interview, il connait particulièrement bien la région rurale de l’Isan 🙂
bonne vision des choses mais sur un point je ne suis pas d accord, il y a bien une securite sociale en thailande (meme si elle n est princiapelement valable que dans les hopitaux publiques) son cout est retenue sur le salaire.
toutefois JE CROIS que l on peut choisir de ne pas la payer (je ne suis pas sur)
Merci pour ta remarque Guillaume, je me suis permis de faire parvenir ton message à Sylvain pour qu’il puisse le commenter directement, voici sa réponse :
« Dans l’interview je parlais avant tout d’une sécurité sociale pour les expatriés.
La couverture sociale pour les Thaïs donne des privilèges (voir la gratuité pour les plus pauvres) en permettant d’accéder à une aide hospitalière et les premiers soins. Elle est à prélèvements obligatoires sur les salaires.
La couverture santé te donne droit à l’accès aux hôpitaux publics à coûts réduits.
Mais ces hôpitaux sont souvent très chargés (du moins à Bkk), avec du matériel limité et tu peux attendre une demi-journée avant de voir un médecin. Le système hospitalier en Thaïlande étant avant tout un business, cette prise en charge est souvent pour les plus démunis et sert en général de premiers secours.
Ainsi pour un expatrié il me paraît difficile de trouver des soins adaptés (et encore moins pour son propre enfant), même si à partir du moment où tu commences à travailler (donc quand tu paies tes taxes) tu as droit à ta carte d’hôpital publique le plus proche de chez toi (qui peut malgré tout être relativement loin en temps de trajet).
En cas d’erreur médicale, je n’ose même pas imaginer un recours en justice vers ce genre d’hôpital en étant un étranger…
Il ne faut pas négliger la santé, surtout à partir du moment où une famille se construit autour de soi.
Bonjour,
J’ai déjà passé quelques mois sur plusieurs années en Thaïlande et j’aimerai maintenant y apprendre la langue, j’aurai aimé savoir combien de temps Sylvain a mit pour apprendre le thaïlandais, si il le parle et l’écrit correctement. J’ai entendu dire qu’il fallait presque l’oreille musicale pour comprendre la langue,pour un expat bien sur. J’envisage, pourquoi pas dans le futur, de vivre dans ce beau pays et il est clair que connaître la langue est indispensable pour l’intégration.
Merci d’avance.
Bonjour Julien, merci pour ton message. Sylvain te répond :
« J’ai pris 6 mois de cours au total. Les 4 premiers mois sans coupure puis deux fois un mois pour le perfectionnement.
Les 2 premiers mois s’apprennent sur base de phonétique et à partir du 3ème mois on commençait à apprendre l’alphabet thaï, l’écriture et la lecture.
La langue thaïe est très tonale. Il faut du temps pour maîtriser les intonations et cela s’acquiert avec la pratique.
On peut dire que je parle couramment mais concernant l’écriture il faut beaucoup pratiquer et je dois bien avouer que mon niveau dans ce domaine reste moyen. Par contre il est plus facile de lire car depuis les cours on connaît les règles de construction et de coordination et une fois les règles apprises, plus rien ne change. Ma femme ne m’écrit ses sms qu’en thaï par exemple.
Tout s’acquiert relativement facilement et dans l’ordre des choses avec le temps.
Bon courage à vous pour votre future intégration! 🙂 »
Bravo bien écrit cela me rapproche réellement de la Thaïlande que je connais depuis 20 ans merci à vous
Merci pour ce commentaire Robert 😉
Tu as fait du bon boulot avec mon tonton (sylvain ) :3
Merci Virginie 😉
En tant que «Sister» de Sylvain,je pense que pouvoir s’expatrier relève d’un réel défi : entre intégration dans une culture Thaï, l’apprentissage de la langue, construction d’un avenir professionnel,éloignement avec ses racines familiales,…mais ne sommes nous pas doués d’une certaine capacité à s’envoler dans une contrée qui nous fait rêver pour y séjourner?Le coeur a ses raisons que notre esprit ignore encore…Merci Romain pour cet article…
Voilà » anticiper et prévoir » je les tiens les 2 mots qui me minent depuis que je suis en Thaïlande. Je suis aussi arrivé en sac à dos, aussi tombé amoureux du pays ,mais à 62 ans après une vie professionnelle intense terminée..Mais malgré que tout aille très bien , une petite chose me turlupinait , moi qui ait toujours vécu le lendemain et dans le futur avec projet sur projet, sans profiter du jour même..Ne rien prévoir! et bien ça je n’y arrive pas pour l’instant mais c’est désormais, avec la langue à apprendre, mon projet..Allez voilà que je recommence.